1 - Le sujet
JEUX VIDÉO : "LE DIALOGUE ET L’INFORMATION PLUTÔT QUE L’INTERDICTION"
Dépendance, violence... Associés à de nombreux faits divers, les jeux vidéo font l’objet de débats virulents. Dernier en date : celui qui oppose les professionnels français du secteur à la chaîne allemande de grands magasins Kaufhof qui a décidé de cesser la vente de jeux vidéo violents interdits aux moins de 18 ans. Cette décision intervient en réponse à la tuerie perpétrée dans la petite ville de Winnenden en Allemagne, la semaine dernière. L’auteur de cette fusillade, Tim Kretschmer, qui a tué 15 personnes, dont 9 élèves de son ancien collège, le 11 mars, avant de se suicider, était, selon la presse, un adolescent amateur assidu de jeux vidéo violents.
En France, les représentants du secteur déplorent que l’interdiction prenne le pas sur l’information. « Ce n’est pas en empêchant la distribution de ce type de jeux qu’on arrivera à résoudre les interrogations sur la question de la violence dans les jeux vidéo », a réagi Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV). « C’est une riposte qui n’est absolument pas proportionnée », a-t-il ajouté, prônant « le dialogue et l’information plutôt que l’interdiction ». [...]
Les réactions des professionnels français du jeu vidéo
Le représentant du SNJV [...] rappelle que la signalétique européenne Pegi (Pan European Game Information) encadre la vente. Depuis mars 2003, elle permet de classer les titres en fonction de l’âge minimum recommandé et mentionne la présence de contenus choquants. Un site de sensibilisation, Pédagojeux, a également été lancé fin 2008, pour répondre aux inquiétudes des parents. Ces normes n’ont toutefois aucun caractère coercitif et n’empêchent pas le client d’acheter ce qu’il veut.
De son côté, Pierre Cuilleret, PDG de la société de distribution de jeux vidéo Micromania, prêche pour son église et met en garde contre « l’absence de filtres et de systèmes de prévention » dans les points de vente généralistes tels que les grandes chaînes de supermarché. « Un certain nombre (d’entre eux) ferait peut-être bien d’emboîter le pas » à Kaufhof, estime-t-il, remarquant qu’il est fréquent que des enfants « manifestement trop jeunes » essaient d’acheter des jeux qui ne sont pas adaptés à leur âge. Les députés européens ont d’ailleurs réagi à cette menace en approuvant à une écrasante majorité un rapport sur les jeux vidéo violents le 12 mars. Ils ont alors réclamé des « sanctions sévères » à l’encontre des détaillants qui vendraient des jeux pour adultes à des mineurs ainsi que des propriétaires de cybercafés qui permettraient à des enfants de jouer à des jeux inadaptés à leur tranche d’âge.
L’avis des psychiatres
Toujours en France, les psychiatres estiment, eux aussi, que l’interdiction n’est pas la solution. « Aucune enquête n’a prouvé que les jeux vidéo rendent plus violents », souligne le Dr Jean-Claude Matysiak, chef de service de la consultation d’addictologie de l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne). Le Dr Matysiak, qui vient de publier un roman policier sur l’addiction aux jeux vidéo et la violence, Virtual Killer, considère que « le jeu en soi n’est absolument pas le fondement du passage à l’acte » et que « l’immense majorité des joueurs n’ont absolument aucun problème avec les jeux vidéo », même s’il existe « une frange pathologique ».
Le professeur Michel Lejoyeux, chef du service d’addictologie à l’hôpital Bichat, à Paris, explique que sur des gens « déjà potentiellement violents », fragiles, « le jeu peut, comme certaines drogues, devenir une circonstance déclenchante. Le problème ne vient pas du jeu vidéo lui-même, mais de la relation avec le jeu vidéo ». Le Dr Matysiak va plus loin et revendique qu’il pourrait même être « dangereux » d’interdire ces jeux, qui ont, selon lui, une « fonction exutoire » en permettant de « libérer certains fantasmes de violence ». Ils sont l’occasion d’assouvir « ce qu’on ne s’autoriserait pas dans la vie réelle ». L’interdiction stimulerait en outre le besoin de transgression des adolescents. « S’ils ne les trouvent pas dans un magasin, ils les trouveront ailleurs », estime le Dr Louis Lebocey, responsable de la Maison des addictions de Caen. Il reconnaît en outre aux jeux des « valeurs éducatives » :
Les psychiatres reconnaissent néanmoins aux jeux vidéo un « potentiel addictogène »,
un « effet de conditionnement des comportements ». Socialement, « il y a des incitations fortes à avoir comme unique loisir ce qui est de l’ordre du virtuel », note le Pr Lejoyeux.
« L’écran devient le meilleur compagnon, le seul interlocuteur, il est dans la chambre, il est complètement disponible : on ne mesure pas la modification psychologique qu’induit ce recours permanent au virtuel. « Il faut "être vigilant", montrer aux adolescents que la
vie réelle est aussi "un domaine dans lequel ils peuvent exprimer des choses", et les inciter à "mener parallèlement à la vie ludique virtuelle une vie réelle" », insiste-t-il. Pour le Dr Lebocey, les vendeurs ont donc une responsabilité lors de la vente, en vertu d’« une éthique commerciale ». Et « il ne faut pas non plus évacuer la responsabilité des parents », dit le Dr Matysiak, qui doivent « s’intéresser à ce que leurs enfants font sur Internet ». Le jeu, conclut-il, ne doit pas être « une baby-sitter virtuelle ».
Laurène Rimondi (source AFP), publié le 20/03/2009, lepoint.fr
2 - Les questions
1. Expliquez la phrase : « les jeux vidéo font l’objet de débats virulents ».
2. Qu’a décidé la chaîne allemande de grands magasins Kaufhof ? Pourquoi ?
3. Qu’en pensent les professionnels du secteur ?
4. Expliquez l’expression : « prêche pour son église ».
5. En respectant le contexte, trouvez les synonymes de :
- « coercitif » ;
- « addiction ».
6. Comment les acheteurs de jeux vidéo peuvent-ils s’informer sur les contenus ? Est-ce suffisant ?
3 - Le corrigé
1. Virulents : très vifs, violents.
Face aux jeux vidéo, deux opinions (pour et contre) s’opposent de manière radicale et occasionnent de vives polémiques.
2. La chaîne allemande de grands magasins Kaufhof « a décidé de cesser la vente de jeux vidéo violents interdits aux moins de 18 ans », après qu’un adolescent, amateur assidu de jeux vidéo violents, a tué 15 personnes dans un petit village d’Allemagne.
3. Pour les professionnels du secteur, la réaction des magasins Kaufhof est disproportionnée ; de plus interdire ne sert à rien.
4. «... prêche pour son église » signifie que P. Cuilleret, qui est PDG d’une société de jeux vidéo, défend ses propres intérêts.
5. « coercitif » : contraignant, obligatoire ; « addiction » : dépendance.
6. Une signalétique européenne est présente sur les produits et un site PedaGoJeux répond aux inquiétudes des parents. Mais chacun peut acheter ce qu’il veut. Les magasins et les cybercafés ne font souvent aucun travail de prévention.
7. « Diaboliser » : présenter comme coupable, comme responsable de tous les malheurs. Selon le Dr Matysiak, les jeux vidéo ne sont pas la cause de la violence des jeunes. Pour lui, ils sont même nécessaires car ils permettent aux jeunes d’évacuer leur agressivité, de faire ce qui est interdit dans la vie réelle. En outre, le jeu permet de développer les réflexes, la vigilance...