L’article D.1617-23 du CGCT encadre juridiquement la dématérialisation des pièces échangées entre l’ordonnateur et le comptable public et le juge des comptes.
1 - Les nouvelles dispositions
Selon le CGT, « l’option pour la dématérialisation des échanges financiers se mue progressivement en une obligation généralisée dans le secteur public local. À la suite des métropoles, dont les échanges financiers avec leur comptable public ont été dématérialisés dès 2017, la plupart des organismes publics locaux ont fait de même à partir du 1er janvier 2019.
C’est le sens de l’article 108 de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République du 7 août 2015 qui contient cette obligation pour les départements, les régions, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 10 000 habitants, les offices publics de l’habitat dont le total des recettes courantes figurant au compte de l’exercice 2014 est supérieur à 20 millions d’euros, les autres établissements publics locaux et les centres hospitaliers, y compris régionaux, dont le total des recettes de la section de fonctionnement figurant au compte administratif de l’exercice 2014 est supérieur à 20 millions d’euros.
Notons que l’obligation de facturation électronique, effective depuis le 1er janvier 2020 pour l’ensemble des fournisseurs des acheteurs, complète cette généralisation progressive de l’obligation de dématérialisation.
Toujours selon le CGT, « une convention-cadre nationale fixe les modalités de dématérialisation de la totalité des pièces échangées entre les acteurs de la chaîne comptable et financière :
- les pièces budgétaires (budgets primitifs, décisions modificatives, compte administratif) ;
- les pièces comptables : les titres de recettes, les mandats de dépenses et les bordereaux récapitulant les titres et les mandats ;
- les pièces justificatives ; toute pièce, autre que les pièces budgétaires et comptables, nécessaire à l’exécution budgétaire et comptable et qui est transmise par l’ordonnateur au comptable public ;
- les documents de toute nature relatifs à la gestion des collectivités locales, leur communication pouvant être demandée par les juridictions financières dans le cadre de leurs procédures non juridictionnelles ».
2 - Les responsabilités traditionnelles des ordonnateurs et des comptables publics
A - Les missions des ordonnateurs
1) La comptabilité d'engagement
L’article 51 de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République réaffirme l’obligation pour l’ordonnateur de tenir une comptabilité de l’engagement des dépenses.
L’arrêté du 26 avril 1996, relatif à la comptabilité de l’engagement de la dépense des communes, des départements, des régions et de leurs établissements publics, pris pour l’application des articles L. 2342-2, L. 3341-1 et L. 4341-1 du CGCT précise l’obligation de la comptabilité d’engagement. C’est un acte essentiel par lequel un organisme crée à son encontre une obligation de laquelle résulte une charge.
Il faut distinguer l’engagement juridique de l’engagement comptable :
- l’engagement comptable précède l’engagement juridique puisqu’il permet de contrôler la disponibilité des crédits ;
- l’engagement juridique correspond à l’acte par lequel la collectivité constate à son encontre l’obligation d’une charge : bons de commande, marchés, conventions, bail, application de dispositions législatives ou réglementaires, acquisitions immobilières, décision juridictionnelle de dommages et intérêts, actes individuels (arrêtés de recrutement ou de nomination), etc.
2) La liquidation des dépenses et des recettes
Elle a pour objet de vérifier la réalité de la dette de la collectivité (la dépense) ou du redevable (la recette). Il s’agit d’arrêter le montant de ces mouvements financiers.
La liquidation de la dépense se caractérise par 3 phases : la constatation du service fait, la réception de la facture qui fait courir le délai légal de paiement, la validation du service matérialisé par une signature.
Pour la recette, la liquidation permet à la collectivité de constater que la somme est effectivement due par un tiers.
3) Le mandatement des dépenses
Le mandat matérialise l’ordonnancement de l’ordonnateur. Il est établi pour le montant de la liquidation et donne l’ordre de paiement au comptable public. Il s’accompagne des pièces justificatives selon la liste fixée par les articles D. 1617-19 à D. 1617- 21 du CGCT.
Certaines catégories de dépenses à caractère répétitif (limitativement énumérées par les textes en vigueur dans le secteur public local) peuvent faire l’objet à la demande de l’ordonnateur, d’un paiement sans mandate- ment préalable (dépenses d’électricité, de téléphone, quittances d’eau, redevances de machines à affranchir le courrier, remboursements d’emprunt).
Si une dépense obligatoire inscrite au budget n’est pas mandatée (cas de carence de l’ordonnateur), le représentant de l’État peut mettre ce der- nier en demeure d’effectuer le mandatement. Si cette demande n’est pas suivie d’effet dans le délai d’un mois, un mandatement d’office est appliqué.
4) La matérialisation des recettes
Toute créance d’une collectivité ou d’un établissement public local fait l’objet d’un titre. L’émission des titres intervient dès que la créance peut être constatée et liquidée. Le plus souvent, il s’agit d’un acte pris, émis et rendu exécutoire par l’ordonnateur : arrêtés, baux, contrats, états de recouvrement, déclarations, rôles, etc.
Les sommes qui ont été encaissées sans titre par le comptable public (recettes fiscales, subventions) donnent lieu, postérieurement, à l’émission d’un titre de régularisation afin de constater la recette budgétaire dans la comptabilité de la collectivité.
Des dispositions particulières ont été prévues au point IV de l’article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée (art. 9 de la loi n° 94-504 du 22 juin 1994) en ce qui concerne la mise en recouvrement des créances résultant d’une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée.
Aux termes de cet article, l’ordonnateur d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public local est tenu d’émettre l’état nécessaire au recouvrement des créances de l’espèce dans le délai de 2 mois à compter de la date de notification de la décision de justice.
Faute de dresser l’état dans ce délai, le représentant de l’État adresse à la collectivité territoriale ou à l’établissement public local une mise en demeure d’y procéder dans le délai d’un mois. À défaut, il émet d’office l’état nécessaire au recouvre- ment de la créance.
5) La tenue de la comptabilité administrative
Il s’agit de connaître en permanence :
- les crédits ouverts en dépenses et les prévisions de recettes ;
- les crédits disponibles pour engagement ;
- les crédits disponibles pour mandatement ;
- les dépenses réalisées et les recettes réalisées ;
- l’emploi fait des recettes grevées d’affectation spéciale.
B - Les missions des comptables publics ou "receveurs"
Selon l’article L. 1617-1 du CGCT, les fonctions du receveur sont exercées par un comptable direct de la DGiFP (Direction générale des finances publiques, créée en avril 2008 par la fusion des anciennes directions générales des impôts et direction générale de la comptabilité publique) dont les services sont présents sur l’ensemble du territoire et ayant la qualité de comptable principal. Aux termes de l’article L. 2343-1 du même code, le comptable est chargé seul et, sous sa responsabilité, d’exécuter les recettes et les dépenses, de poursuivre la rentrée de tous les revenus de la collectivité et de toutes les sommes qui lui sont dues, ainsi que d’acquitter les dépenses ordonnancées par l’exécutif jusqu’à concurrence des crédits régulièrement accordés.
Sous sa responsabilité personnelle et pécuniaire, le comptable public exerce un certain nombre de contrôles formels précisés par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique (art. 12 et 13). C’est un contrôle portant sur la régularité et en aucun cas sur l’opportunité.
Conformément aux dispositions de l’article 11 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, les comptables publics sont seuls chargés :
- de la prise en charge et du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou autre titre dont ils assurent la conservation ainsi que de l’encaissement des droits au comptant et des recettes de toute nature que les organismes publics sont habilités à recevoir ;
- du paiement des dépenses soit sur ordres émanant des ordonnateurs accrédités, soit au vu des titres présentés par les créanciers, soit de leur propre initiative, ainsi que de la suite à donner aux oppositions et autres significations ;
- de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux organismes publics ;
- du maniement des fonds et des mouvements des comptes de disponibilités ;
- de la conservation des pièces justificatives des opérations et des documents de comptabilité ;
- de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu’ils dirigent.
3 - Quelques procédures ou dispositions particulières
A - Les régis d'avances et de recettes
Il faut pouvoir faciliter certaines opérations de dépenses et de recettes de fonctionnement, pour des motifs d’urgence ou en des lieux ou à des heures qui rendent impossible l’intervention du comptable public – droits d’entrée à percevoir sur place (piscine, musée, bibliothèque...) ou menues dépenses d’activités (centre de loisirs sans hébergement, avances de frais de mission...).
Pour répondre à ces situations de gestion de terrain, l’assemblée délibérante de la collectivité, avec l’accord du comptable public, peut créer des régies de recettes (encaissement de recettes) et des régies d’avances (paie- ment de dépenses).
La responsabilité de telles régies est confiée à des agents de la collectivité (les régisseurs et régisseurs suppléants) nommés par arrêté de l’exécutif sur avis conforme du comptable public.
Ils dépendent directement de ce dernier pour la gestion des liquidités qu’ils sont amenés à manipuler.
B - Les opérations d'ordre
1) Opérations d'ordre budgétaire
Elles sont exécutées à l’initiative de l’ordonnateur, mais ne donnent lieu ni à des encaissements ni à des décaissements.
2) Opérations d'ordre non budgétaire
Sans effet sur la trésorerie, elles ne font pas l’objet d’émission de mandats et de titres.
Elles sont seulement constatées dans les écritures du comptable public (transfert des travaux achevés aux comptes d’immobilisations, virement pour solde des amortissements en cas de cession de valeurs immobilisées, affectation du résultat de fonctionnement...).
4 - Le contrôle de la gestion
De la maîtrise de l’exécution budgétaire par une collectivité et de la qualité de ses relations de travail avec le comptable public dépendra sa capacité à exercer une analyse financière efficiente des comptes et des résultats constatés.
Trois pistes de travail s’offrent.
A - L'analyse financière rétrospective
Il s’agira d’appréhender l’existence de marges de manœuvre, d’analyser leur évolution dans le temps afin d’identifier les leviers disponibles pour développer de nouveaux projets et les financer.
B - L'utilisation des ratios et d'indicateurs de gestion
L’objectif sera de comparer les données budgétaires de la collectivité avec celles d’autres collectivités.
L’article L. 2313-1 du CGCT, en application de la loi Administration territoriale de la République (loi ATR) du 6 février 1992 impose, par ail- leurs, le calcul et la publication de ratios obligatoires comme les dépenses et les recettes réelles de fonctionnement par habitant, le produit des impositions directes par habitant, les encours de la dette par habitant, etc.
C - L'analyse financière prospective
Il s’agira de projeter dans le futur les évolutions prévisibles des principales dépenses et recettes réelles de fonctionnement. L’une des premières approches de cet exercice sera de déterminer l’évolution des capacités d’épargne de la collectivité et sa solvabilité. C’est déterminant pour situer le niveau des projets d’investissement à cours, moyen et long terme.
Ce sera aussi se questionner sur la sensibilité des comptes de la collectivité aux aléas de l’environnement économique, aux accidents de parcours ou aux retournements de la conjoncture.