1 - Le texte
LA CONFRÉRIE DES VILLAGES PERDUS
Quand un ex-patron d’Air France et un avocat de renom veulent bousculer le code civil pour faire renaître ces petites communes trop souvent oubliées.
C’est un curieux lobby. On y voit des banquiers fricoter avec une ancienne figure du Parti communiste, une patronne de gauche pétitionner à côté d’un ex-grand flic sarkozyste, un promoteur immobilier gamberger avec d’austères professeurs de droit... Une loge maçonnique ? Non. Cet aréopage hétéroclite entend œuvrer pour la gloire des villages de France. On les imagine refaisant Azincourt ou Valmy. En réalité, ils ont une seule marotte : lutter contre la raréfaction des noms de communes mentionnés dans l’état civil !
Un mince programme, mais pour lequel ils déploient une énergie considérable, en appelant à la représentation nationale et même au gouvernement. Car c’est au sacro-saint code civil qu’ils s’attaquent. Autant dire à Napoléon. Les deux meneurs, pourtant, sont corses. Jean-Cyril Spinetta, énarque septuagénaire, dirige la branche non armée du mouvement, l’Association pour la Renaissance des Villages, spécialement créée pour l’occasion. Jean Pierre Versini- Campinchi, avocat au barreau de Paris en est le secrétaire général. Le « transporteur » est marqué à gauche, le « ténor » à droite, mais, ensemble, ils pinaillent sur l’héritage de leur illustre compatriote.
« Les déclarations de naissance sont faites dans les trois jours de l’accouchement à l’officier de l’état civil du lieu » dispose la loi promulguée par le premier consul en 1804, quelques mois avant son sacre impérial. Les duettistes veulent changer cette règle bicentenaire. « Les femmes accouchent de moins en moins à domicile, expliquent-ils en chœur. Et il ne reste en France que 530 maternités, dont bon nombre sont en passe de fermer. Alors qu’on compte près de 36 000 communes en France. Résultat : les lieux de naissance inscrits à l’état civil sont de moins en moins nombreux. » Même à Paris, on ne naît plus que dans quatre arrondissements. Une perte incommensurable pour la mémoire hexagonale et pour chaque coin du territoire, qui tire fierté de ses célébrités locales. Mais aussi pour les historiens et pour les généalogistes du dimanche, qui ne pourront plus retracer les origines de leurs ancêtres.
Tant de hameaux ont écrit l’histoire de la France et de la République... Et bientôt ils seront rayés des archives, se désole Jean-Pierre Versini-Campinchi. Son association a fait plancher des juristes pour préparer un texte de loi modifiant le code civil. La réforme ne coûte rien et ne rapporte rien. Selon ses promoteurs, elle est d’une simplicité enfantine : il suffit d’autoriser les parents à déclarer leur nouveau-né dans la mairie où ils sont domiciliés.
Seules les lourdeurs bureaucratiques et les crispations jacobines, affirme maître Versini- Campinchi, ont empêché jusqu’ici de faire rejaillir sur les petites bourgades les joies de la naissance. Depuis 1997, une dizaine de propositions de lois, de toutes les couleurs politiques, ont en effet tenté d’amender le code napoléonien. Au nom de l’attachement aux « racines », de la lutte contre la « dévitalisation » des petites communes ou du rapprochement des citoyens avec le service public.
Toutes ont échoué. Alors, pour faire de la « Renaissance » une grande cause nationale, l’association est allée jusqu’à commander une enquête à l’Ifop : 80 % des sondés se disent favorables à la réforme, qui atteint ses plus hauts scores d’approbation dans les rangs de la gauche. « Preuve que ce n’est pas une idée rétrograde », se félicite l’avocat. Dans les réseaux d’influence et les petits cénacles de la capitale, elle est même furieusement tendance !
Marie-France Etchegoin du Nouvel Observateur
2 - Les questions
EXERCICE 1 – VOCABULAIRE ET COMPRÉHENSION
(Notation : 9,5 points)
1. C’est un curieux lobby. Donnez un synonyme de l’adjectif « curieux ».
« Curieux » : étrange, bizarre.
2. « Cet aréopage hétéroclite ». En quoi cet aréopage (cette assemblée) est-il hétéroclite ? Donnez le contraire de cet adjectif.
Les membres de ce mouvement appartiennent à des milieux politiques et professionnels très différents, qui a priori ne se rencontrent pas : des banquiers, une ancienne communiste, un sarkozyste, des professeurs de droit... Le contraire d’hétéroclite est « homogène ».
3. « Ils ont une seule marotte ». Expliquez le sens du mot « marotte ». Que sous-en- tend la journaliste sur l’importance de cette cause en utilisant ce mot ? Relevez, quelques lignes plus loin, une expression qui appuie cette idée.
Une marotte peut s’entendre comme une passion mais a une connotation négative : c’est un goût à la limite de l’obsessionnel pour quelque chose de futile, d’amusant, qui manque de sérieux. En utilisant ce terme, l’auteur trouve que l’objectif de l’association est un peu inutile. La phrase « Un mince programme, mais pour lequel ils déploient une énergie considérable » confirme cette opinion.
4. « Napoléon ». Relevez dans le texte deux périphrases (expressions) le désignant.
Napoléon : « leur illustre compatriote » ; « le premier consul ».
5. « Raréfaction des noms de communes ». Relevez dans les propos des deux hommes une phrase qui reprend cette idée.
« Raréfaction des noms de communes ». Cette idée est justifiée dans les propos suivants : « il ne reste en France que 530 maternités, dont bon nombre sont en passe de fermer. Alors qu’on compte près de 36 000 communes en France. Résultat : les lieux de naissance inscrits à l’état civil sont de moins en moins nombreux. »
6. Quelle est la solution proposée pour enrayer cette raréfaction ?
Pour enrayer la raréfaction des noms de communes, il suffirait, selon l’association, de permettre aux parents de déclarer leur nouveau-né dans la mairie où ils sont domiciliés.
7. « Preuve que ce n’est pas une idée rétrograde ». Réécrivez cette phrase au style affirmatif sans en modifier le sens.
Phrase affirmative : preuve que c’est une idée moderne, novatrice.
8. Expliquez les expressions : « la mémoire hexagonale » et « furieusement tendance ».
« La mémoire hexagonale » : hexagonale renvoie ici à la France. Grâce à des célébrités locales, des petits coins de France peuvent être connus et participent à l’écriture de l’histoire d’un pays.
« Furieusement tendance » : en opposition avec les objectifs de l’association qui paraissent un peu désuets, cette expression est très moderne, un peu familière et signifie : « très à la mode ».
EXERCICE 2 – GRAMMAIRE ET CONJUGAISON
(Notation : 8,5 points)
1. « Une loge maçonnique ? ». Récrivez cette phrase interrogative en y insérant un verbe.
Ce groupe est-il une loge maçonnique ?
2. « Tant de hameaux ont écrit l’histoire de la France et de la République ». À quel temps est le verbe ? Récrivez cette phrase au passif.
« Ont écrit » : passé composé du verbe écrire.
Phrase au passif : L’histoire de France et de la République a été écrite par tant de hameaux.
3. « Qui atteint... la gauche » : nature et fonction de cette subordonnée.
Nature et fonction de la subordonnée « qui atteint... la gauche » : proposition subordonnée relative, complément de l’antécédent « réforme », introduite par le pronom relatif « qui » sujet du verbe atteindre.
4. « Toutes ont échoué ». Récrivez cette phrase aux quatre temps simples de l’indicatif (vous préciserez les temps).
Présent simple : Toutes échouent.
Imparfait : Toutes échouaient.
Passé simple : Toutes échouèrent. Futur simple : Toutes échoueront.
5. Dans les lignes 33 à 38, relevez quatre adjectifs qualificatifs à partir desquels vous formerez les adverbes de manière correspondants.
« Seules » : seulement
« Bureaucratiques » : bureaucratiquement
« Politique » : politiquement « Public » : publiquement
6. Écrire le montant 36 000 en lettres.
36 000 : trente-six mille.