Violences sexistes et sexuelles : le plan d’action du gouvernement pour l’enseignement supérieur
« Selon les enquêtes les plus récentes, entre 1/3 et 1/4 des étudiantes ont déclaré au moins un fait de violences au cours des 12 derniers mois (injure sexiste, harcèlement sexuel, agression sexuelle, viol) », indique le communiqué du ministère publié le 15 octobre dernier. Une statistique extraite de la dernière enquête Violences et rapports de genres de l’INED.
De surcroît, l’année écoulée a vu la publication d’un très grand nombre de témoignages d’étudiants et d’étudiantes dénonçant la culture du viol sévissant au sein des grandes écoles. Une enquête interne menée au sein de l’école CentraleSupelec, révélée par Le Monde, recensait ainsi une centaine de viols et d’agressions sexuelles commis en un an entre élèves ingénieurs. Le ministère de l’Enseignement supérieur a également publié un rapport concernant les violences sexuelles et sexistes commises au sein des Instituts d’études politiques.
« Les violences sexistes et sexuelles ne connaissent pas d’âge, ni de milieu social ou géographique, écrit la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal. L’actualité récente a mis en lumière l’étendue de ce phénomène, qui perdure par la combinaison du non-dit, la difficulté à mettre en mots l’agression subie, parfois même, la difficulté à l’identifier comme telle. »
Ces mots se trouvent dans l’introduction du Plan d’action national contre les violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur et la recherche. Ce plan, qui se décline en 21 mesures, a été dévoilé en octobre dernier. Il a été présenté par Frédérique Vidal et Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.
Les 21 mesures du Plan national contre les violences sexistes et sexuelles
« Nous devons donc franchir une nouvelle étape dans l’accompagnement des victimes, l’écoute et la prise en charge de toutes les situations. Toutes et tous mobilisés pour faire de la tolérance zéro une réalité », peut-on lire dans le communiqué qui détaille ces mesures. Celles-ci sont divisées en quatre axes, résumés ci-dessous.
1. Un plan de formation et de sensibilisation massif pour tous les acteurs de l’enseignement supérieur
Ces formations démarrent dès cet automne. Les présidences et directions d’établissement, tout comme la communauté étudiante, devront être sensibilisés. En outre, le ministère promet une « attention particulière » portée à la formation doctorale.
2. Renforcement des dispositifs de signalement et leur fonctionnement
Le ministère crée une cellule spécifique dédiée afin d’accompagner les établissements et les associations dans la prise en charge de ces situations. De plus, les points de signalement et d’écoute vont être multipliés grâce à des partenariats avec les structures nationales de prise en charge (notamment le 3919 et le FNCIDFF).
3. Une communication renforcée
Une plateforme de recensement des dispositifs au sein d’une cartographie nationale, accessible à tous, va être mise en place. L’accessibilité et la visibilité de ces dispositifs sera améliorée. En outre, une campagne de communication nationale sur la notion de consentement va être lancée.
4. La valorisation de l’engagement des étudiantes, étudiants et personnels
Le ministère s’engage à soutenir, développer et valoriser les fonctions des missions égalité. Celui-ci prévoit également de lancer des appels à projet étudiant sur le sujet. Il souhaite également créer un prix sur la lutte contre les VSS (violences sexistes et sexuelles) dans le cadre des initiatives étudiantes du MESRI.
Ces mesures sont-elles suffisantes ?
Comment ce plan a-t-il été accueilli par les étudiants et les étudiantes, notamment ceux d’une association comme CLASCHES, le Collectif de Lutte Anti-Sexiste Contre le Harcèlement sexuel dans l’Enseignement Supérieur ? Pour l’association, la mise en place de formations et de prévention est positive. « Le besoin de formation est présent tout le temps, pour tous les étudiants. Mais aussi pour le personnel universitaire, explique Camille, membre de l’association. La question qui se pose, c’est quels types de formations prévoit le ministère, et par qui seront-elles faites ? Est-ce qu’il y en aura une fois tous les quinze ans ou est-ce qu’elles seront vraiment régulières ? »
Mais le point noir soulevé par CLASCHES dans les 21 mesures annoncées par le gouvernement, c’est l’absence d’évocation de sanction des agresseurs. « Les mesures ne comportent aucune référence aux sanctions prises. Elles n’évoquent pas non plus ce que la suspension du personnel ou des étudiants agresseurs signifie concrètement. »
Enfin, Camille souligne que les mesures évoquent seulement une prise en charge individuelle des étudiants et du personnel. Pourtant, une approche plus globale de ces violences serait souhaitable. « Par exemple, les directeurs et directrices de thèse devraient tous suivre une formation. La relation exclusive du doctorant avec son directeur de thèse peut parfois conduire à des dérives, à des relations d’emprise ou de domination. » Et de conclure : « Il est important d’avoir une approche générale du problème des violences sexistes et sexuelles. Elles ne sont pas propres à l’enseignement supérieur : elles se retrouvent dans tous les domaines et sont systémiques. »