La possession du langage, cette faculté d’exprimer des pensées et de communiquer au moyen d’un système de signes, semble ne concerner que les hommes. Pourtant les animaux communiquent entre eux et, parfois, avec les hommes. Ne s’agit-il pas là d’une forme de langage ?
I. Le langage : une spécificité humaine ?
1) Le mutisme des animaux
Certains animaux émettent des sons qui ressemblent à des mots : les pies sont capables de dire « bonjour » à leur maître. Cela ne prouve pas que ces animaux possèdent le langage et sont polis, mais qu’ils peuvent être dressés et acquérir des réflexes sonores. Ainsi, la pie ne dit rien. Son « bonjour » n’est pas le reflet d’une pensée, mais n’est qu’un « mouvement de l’espérance qu’elle a de manger si l’on a toujours accoutumé de lui donner quelque friandise lorsqu’elle l’a dit » (Descartes).
Citation
Se promenant dans le Jardin du Roi, le cardinal de Polignac se serait arrêté devant une cage de verre où se tenait un orang-outang et lui aurait dit : « Parle, et je te baptise. »
2) Le langage humain
Au contraire, le langage humain permet d’exprimer des pensées. Celles-ci peuvent être ses représentations de ce qui affecte l’homme, mais aussi des idées sans relation avec ses impératifs vitaux. L’usage poétique de la langue en est le meilleur exemple. Le langage prouve ainsi que l’homme n’est pas une machine ou un organisme répondant mécaniquement à des stimuli.
Le langage humain peut utiliser d’autres vecteurs que la parole : « Les muets se servent de signes en même façon que nous de la voix » (Descartes). Les gestes utilisés peuvent alors également manifester des pensées.
Ainsi, il apparaît que le langage est le propre de l’homme et cela prouve que l’homme pense, alors que les animaux ne pensent pas.
3) L’incompréhension humaine des langages animaux
Montaigne fait cependant la critique de la croyance selon laquelle seuls les hommes disposeraient du langage. Selon lui, c’est parce que nous sommes incapables de comprendre le langage des animaux que nous nions son existence, alors même que la communication des animaux entre eux et avec les hommes est patente (Essais). Beaucoup de travaux d’éthologues (scientifiques étudiant le comportement des espèces animales) contemporains corroborent ces analyses.
II. Une différence de degré
1) La double articulation du langage humain
Les langues humaines se caractérisent par une double articulation. Elles sont composées de morphèmes et de phonèmes. Ainsi, elles ont un avantage économique fondamental : elles sont d’une souplesse exceptionnelle et peuvent former un grand nombre de mots différents avec un petit nombre de modifications.
Mots-clés
Les morphèmes sont des unités minimales de signification (« arbre » ou « écrire », par exemple). Ils sont composés de phonèmes : des unités sonores minimales qui permettent de passer d’un mot à un autre (de « bon » à « pont », par exemple).
2) La richesse du langage humain
Les discours et dialogues humains ne se limitent pas, contrairement à la conversation animale en général, au champ des besoins vitaux. L’homme peut parler alors même qu’aucune utilité biologique immédiate n’est en jeu.
Les langues humaines ont une grande richesse expressive : elles permettent d’élaborer des énoncés quotidiens, mais aussi scientifiques, poétiques, etc.
Il faut alors en conclure que, même si le langage n’est pas le propre de l’homme, une différence de degré sépare le langage humain et les langages animaux, ce qui s’explique biologiquement par la théorie de l’évolution.