La distinction entre le naturel et l'artificiel

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Légende de la leçon

Vert : définitions

I. La nature se distingue de l’artifice

Dans la Physique, Aristote définit une chose artificielle (un objet fabriqué) comme ce qui ne possède pas son propre principe d’existence, au contraire des êtres naturels (les êtres vivants) qui contiennent en eux-mêmes le principe de changement. Les artifices reçoivent donc leur principe d’existence d’une force extérieure à eux, ils sont créés par une main extérieure. Ce qui est naturel (phusis) se distingue donc de ce qui est artificiel (technê).

II. Naturalité des objets artificiels ou artificialisation de la nature ?

Mais cette distinction entre le naturel et l’artificiel n’est peut-être pas aussi fondamentale qu’elle en a l’air. Ainsi, René Descartes (1596-1650) la remet en question, lorsqu’il écrit dans ses Principes de la philosophie : « Toutes les choses qui sont artificielles sont avec cela naturelles. » Les objets artificiels font en quelque sorte partie de la nature, puisqu’ils obéissent aux mêmes règles que les objets naturels. « Toutes les règles de mécanique appartiennent à la physique », il ne faut donc faire « aucune différence entre les machines que font les artisans et les divers corps que la nature compose. » Ainsi, la limite entre naturel et artificiel est peu nette en raison de la naturalité des objets dits artificiels : tous les processus techniques, au fond, sont des prolongations des processus biologiques et naturels.

Exemple

Ainsi, on peut prendre l’exemple des organismes génétiquement modifiés (OGM) : il peut sembler absurde, selon leurs défenseurs, de considérer qu’il y a une différence essentielle entre une sélection technique et une sélection naturelle qui a toujours existé et qui est au principe de l’évolution des espèces, alors qu’on peut considérer, au contraire, que la technique est la nouvelle voie qu’a trouvée la nature pour continuer à sélectionner.

À l’inverse, il peut paraître illusoire de trouver un objet purement naturel, car nous n’aurions plus affaire aujourd’hui qu’à des objets artificiels. Cette idée de l’artificialisation de la nature est portée par Karl Marx (1818-1883) dans L’Idéologie allemande : « cette nature, de nos jours, n’existe plus nulle part, sauf peut-être dans quelques atolls australiens de formation récente ». Il pointe ainsi l’illusion qu’il y a à chercher des objets non transformés et conditionnés par le travail humain.